Beyrouth, 2013, M. Nouhad JABRE, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Beyrouth
M. Nouhad JABRE, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Beyrouth
S.E. Monsieur le Président de la République, le général Michel Sleiman, représenté par Monsieur le ministre de la Justice,
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation du Liban,
Monsieur le Président de l’Association des Cours Judiciaires Suprêmes Francophones,
Monsieur le Secrétaire général de l’Association,
Monsieur le chargé de la Coopération juridique et judiciaire à l’Organisation Internationale de la Francophonie,
Monsieur le Président de l’Institut des études judiciaires du Liban,
Messieurs les Présidents, Haut Magistrats,
Messieurs les Bâtonniers et Collègues,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
C’est pour moi, une grande joie de vous accueillir dans cette maison, la Maison de l’Avocat qui, fidèle à sa tradition, se veut toujours un espace de dialogue, de relations humaines, de culture et de savoir juridique.
C’est aussi un privilège pour le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Beyrouth, de prendre la parole au seuil d’un Congrès dont le thème est précisément consacré à "une déontologie pour les juges". Je m’en réjouis et m’en flatte ! Car un tel thème intéresse au plus haut point, tant le magistrat en toge, que l’avocat en robe, adeptes de deux disciplines qui imposent semblablement d’immenses et honorables servitudes.
L’Avocat, n’est-il pas lui-même premier juge, quand il prend en main la cause qu’il défend ?
Et ce n’est point la seule ressemblance car, comme le juge, il est seul maître de sa conduite, et seul arbitre de son comportement. Il doit dominer, non seulement ses propres passions, mais encore celles du milieu qui l’entoure, ne cédant jamais aux sollicitations. Son honnêteté, son savoir, son indépendance et sa modération – cette dernière n’excluant jamais la fermeté et la rigueur- doivent demeurer au dessus de tout soupçon. Et c’est grâce à une moralité intraitable que se justifie son autorité. "La Cour ne rend pas des services, elle rend des jugements". Réplique devenue célèbre, lancée d’une voix tonnante par un Président à quelqu’un qui venait quémander une faveur.
Mesdames, Messieurs,
L’une des grandes missions de l’État de Droit est de garantir la quiétude à ses citoyens et de protéger leurs libertés et leurs droits. Or, cet objectif ne peut être atteint, que si la mission de juger est confiée à des hommes de loi, qui s’attellent à concrétiser ce but, en exerçant leur pouvoir sans aucune discrimination, conformément au verset du Coran : "et si tu es appelé à juger tes semblables, alors juge entre eux, en équité, car Dieu aime les hommes équitables "(Maîda - verset 42).
Aussi, il faut rappeler au juge son humanité et l’inviter à ne pas en faire fi, dans ses rapports avec les justiciables et son entourage, de façon à préserver la dignité du corps judiciaire, en prenant en considération, les recommandations formulées par Omar Ibn Al Khattab à son juge Abou Moussa Al Acha’ari : « …montre toi égal envers les gens, dans l’expression de ton visage, dans les délibérations, comme dans ton jugement, afin que nul noble ne puisse espérer ta partialité et nul faible ne désespère de ta justice… ».
L’édifice déontologique ne peut se maintenir que par la garantie de l’indépendance de l’institution judiciaire, dans un État de Droit, où l’avocat est indispensable à la justice et aux justiciables dont il a la charge de défendre les droits et libertés. La déontologie lui impose, en premier lieu, la fidélité à sa patrie et le respect de l’institution judiciaire, qu’il a le devoir de défendre comme autorité indépendante vis-à-vis des autres autorités.
Loin de moi la prétention d’anticiper le traitement d’un thème aussi considérable, puisqu’il englobe l’indépendance, la conscience, la raison, la volonté, en bref, tout l’homme. Ce traitement sera effectué par le Président, les rapporteurs et animateurs de ce congrès usant de leur science, expérience et grande sagesse afin de dégager les principes de déontologie des juges, en prenant en considération, leurs relations particulières et spécifiques avec les avocats, vu les liens étroits qui les rassemblent, dans leur mission de sauvegarder la justice.
L’Avocature, complètement indépendante, aspire à une magistrature également indépendante envers toutes les autres autorités. Il est donc du devoir de l’Avocature, comme des ordres des Avocats dans tout les États de droit, d’œuvrer en faveur d’une Magistrature indépendante pour le bien de ces États.
Et prenons garde, dans ce domaine, la probité ordinaire ne suffit pas. Comme le disait le professeur Emile Tyan à ses étudiants : Elle doit devenir un culte, c’est-à-dire, atteindre un niveau d’irréprochabilité tel qu’il devienne sans bornes et sans limites. Et c’est à ce prix que l’homme de loi, juge ou avocat, inspirera respect et confiance, ce qui est la plus belle récompense et qui donne à l’un et à l’autre un crédit d’une valeur incomparable.
Permettez-moi, en terminant, de rendre un vibrant hommage à cette admirable institution qu’est la Francophonie, et à ses composantes, dont l’Association des Cours Judiciaires Suprêmes Francophones, dont le Liban est un fidèle et fervent adhérent. Je voudrais également féliciter la Cour de Cassation et l’Institut des Études judiciaires au Liban pour leur organisation de ce congrès.
L’hommage et les félicitations du Barreau de Beyrouth sont ô combien justifiés par la grande qualité des échanges au sein de ces institutions, développant sans cesse le champ des relations humaines, faites de savoir juridique, de culture, de tolérance, de grande écoute, de respect et d’amitié.
Je vous remercie.