Beyrouth, 2013, Allocution d’ouverture, Ghaleb GHANEM
Monsieur Ghaleb GHANEM
Premier président honoraire de la Cour de cassation du Liban
Président de l’AHJUCAF
Une déontologie pour les juges
Excellence,
J’ai le plaisir - et l’audace – d’avouer que mes fonctions au sein de l’Association des Cours de cassation francophones m’ont appris à tirer nombre de leçons.
C’est ainsi que grâce à notre association, j’ai acquis la certitude que le Droit est une culture avant d’être une règle, qu’il incarne un esprit avant d’être formel, qu’il est surtout une mission avant d’être punition, répression ou vengeance.
De même, et toujours grâce à cette association, s’est enracinée au plus profond de mon être la nécessité de la tolérance et l’inéluctabilité de la complémentarité. J’ai progressivement appris que l’Autre est une partie de moi-même surtout si je partage avec lui les hautes valeurs, et une langue qui a véhiculé la civilisation, la justice, et la beauté de par le monde.
Par cette Association, je suis devenu coutumier de termes, qui n’étaient certes pas éloignés de mon propre lexique, mais qui ont révélé leur véritable portée, à savoir une signification renouvelée, plus profonde dans ses implications et plus vaste dans son universalité.
Au premier plan de ces vocables, je cite la liberté, la démocratie, la primauté du droit et l’État de droit, la pratique du dialogue, la justice, la transparence, les droits de l’Homme, et bien évidemment…l’indépendance de la magistrature.
C’est encore grâce à notre association que s’est ancrée ma conviction de la nécessaire convergence des principes universels dégagés par la jurisprudence avec les sources écrites et les particularités du for. Tant il est vrai que la souveraineté à laquelle nous tenons plus que tout peut s’avérer néfaste si elle s’exclut de l’interaction, de l’ouverture et du renouvellement, spécialement dans le domaine juridique.
Excellence,
L’accueil que vous avez réservé à l’AHJUCAF ici-même, à la Résidence des pins, traduit l’intérêt que vous portez à titre personnel, ainsi que l’intérêt témoigné par la France pour toute manifestation prônant le rôle du droit dans la consolidation de la culture de la paix et dans l’instauration des liens qui permettent aux diverses contrées du monde de bénéficier des valeurs universelles.
Cependant, cette quête d’une justice modèle ne peut aboutir que par l’existence d’une magistrature intègre, indépendante, savante et efficiente.
Il en découle que la réalisation de ces quatre conditions est le corollaire nécessaire d’une bonne administration de la justice ; ces mêmes exigences constituent le fondement de l’éthique judiciaire. Elles portent en elles d’immenses espoirs.
Inspirés par les susdits principes, notre congrès est justement intitulé : « une déontologie pour les juges », dans le but de confronter les diverses expériences, pour que la comparaison et l’échange des pratiques enrichissent simultanément les organisations judiciaires nationales…Le tout dans le respect de la particularité dans la complémentarité et de la diversité dans l’unité.
Il reste que la tenue de notre congrès à Beyrouth même est riche de significations.
Beyrouth, qui jadis fut la pierre angulaire de la science juridique, et qui, aujourd’hui, poursuit vaillamment sa mission.
Beyrouth, qui jadis tendait à la citoyenneté universelle, et qui, aujourd’hui, reste le symbole de l’ouverture dans la région et le monde.
Beyrouth, dont le cœur battait jadis au rythme de l’amitié séculaire de la France, et qui persévère aujourd’hui dans la loyauté et l’attachement !
Excellence,
Au nom de mes collègues de l’AHJUCAF et en mon nom propre, je vous adresse mes remerciements pour la tenue de cette rencontre privilégiée.
Je souhaite ardemment que les valeurs portées par la francophonie demeurent au premier plan, et que notre congrès contribue, à sa mesure, à la préservation de l’État de droit, laquelle est devenue notre principale priorité dans ces circonstances difficiles que nous avons toujours combattu par l’amour de la paix et la flamme de l’espoir.
Vive la francophonie,
Ghaleb Ghanem